Les vieilles charrues et moi, c’est une histoire qui a débuté il y a 11 ans. Une histoire faite de très longues pauses et de grands changements. Une histoire remplie surtout d’anecdotes et de bons souvenirs.
Avant de vous parler de l’édition 2017, petit retour en arrière
2006
En ce temps-là, Chéri d’amour gérait une équipe de football virtuelle sur internet (si si ça existe et ça s’appelle Hattrick). Dans sa division virtuelle, il côtoyait virtuellement monsieur J, entraîneur virtuel d’une équipe virtuelle. Le monsieur J était un authentique breton qui avait baptisé son équipe virtuelle du nom de sa ville : Carhaix. Cela a amené Chéri d’amour et monsieur J à échanger sur le festival organisé dans la dite-ville. Entre 2 discussions footballistiques ou autres sujets viriles, ça a donné un truc du style :
- chéri d’amour : « y a un chouette festival à Carhaix »
- monsieur J : « si tu veux faire le festival, tu peux venir planter ta tente dans mon jardin » (et si vous y voyez une proposition indécente, vous avez vraiment l’esprit mal placé, les amis).
Petite réflexion personnelle : les hommes m’impressionnent : dans la vraie vie, une bière, un morceau de steak et hop ils sont BFF. Sur internet, trois ou quatre messages rigolos, une passion commune et te voilà inviter à planter ta tente dans un jardin.
Comme nous étions jeunes en 2006, nous avons dit « super ». L’affaire était pliée et les places étaient achetées dans la foulée.

Après quelques jours en camping à Carnac, nous débarquons donc à Carhaix-Plougher, centre de la Bretagne et de la France entière durant 4 jours. En attendant les autochtones qui allaient nous héberger, nous nous sommes dit « pourvu que ce ne soient pas des gros c… » (réflexion que monsieur et madame J nous ont avoué avoir eu également peu de temps avant notre arrivée). Une minute plus tard, madame J arrivait, tandis que son homme était toujours sur le site du festival à faire son travail de « faucheux » (c’est-à-dire de bénévole des VC). Et le courant est passé immédiatement.
En plus de nous faire des amis, ne pas loger sur le camping du festival a été un gros plus voire une sacrée révolution. A nous, les sanitaires propres, la douche chaude, la chaise de jardin confortable et… le calme !



Nous avons passé trois jours agréables à écouter de nombreux artistes : les Pixies, Cali, Tracy Chapman, Dionysos, Olivia Ruiz ou encore Jamel Debbouze. Il faisait beau, la bière était fraîche et l’ambiance radieuse.

Par la suite, nous avons eu des enfants et le festival a dû faire sans nous (mouais, il était bien triste c’est sûr). Avec le recul, cette année marqua un cap à savoir le passage d’une vie « roots » à une vie « rangée des bagnoles », de la vingtaine insouciante à l’approche de la trentaine réfléchie, de l’envie de profiter de l’instant présent au désir de construire l’avenir (waouh c’est beau ce que j’écris. faudra que je le recase dans une conversation).
2013
Nouveau cap ! Les festivaliers pantouflards se transforment en petites abeilles travailleuses.
Sept ans après la proposition du plantage de tente, nos amis carhaisiens nous ont posé une autre question fracassante : « ça vous dit de faire le festival en tant que bénévole? on cherche du monde au bar 4 ».
Le contrat est le suivant : 12 heures de travail = accès gratuit au festival + jetons pour la nourriture et les boissons. Cela nous semble honnête.

Vous vous dites que c’est vraiment super de ne pas débourser un centime pour voir des dizaines de concerts… et qu’en travaillant au bar, vous aurez des consommations à volonté !!! Alors je vais vous dresser la liste des pour et des contre du bénévolat derrière le bar et on en reparlera.
Contre : au bar, vos horaires sont malheureusement calés sur ceux des festivaliers et vous travaillez donc pendant les concerts. Stromae se produit à 22h30 ? Dommage, votre service commence à 23 heures. Un petit bémol « POUR » (faut bien être honnête de temps en temps) : j’ai pu voir plein de concerts super et les responsables sont des êtres humains qui essayent de faire des plannings satisfaisants pour tout le monde.
Pour : durant les pauses, après ou avant le service, vous pouvez parfois voir les concerts depuis l’arrière du bar, tranquille loin de la foule.

Pour : entre vous et les festivaliers éméchés, il y a un bar. Par conséquent, ils ne vous marchent pas dessus, ne vous bousculent pas et vous n’avez pas besoin de vous transformer en petit poney sauteur d’obstacles pour éviter les épaves humaines qui, à certaines heures, jonchent le sol du site (je grossis un peu le trait, hein).
Contre : vous devez essayer de communiquer avec eux, comprendre ce qu’ils veulent, les servir sans vous faire arnaquer (les petits malins qui commandent 6 bières et partent avec les 3 premières sans payer les suivantes), les envoyer bouler ou au contraire les materner un peu (allez mon brave monsieur, rangez votre billet de 50 euros et les 10 de 20 avant de vous faire dévaliser.).

Pour : vous devenez très fort en calcul mental (et oui à l’époque, les paiements se faisaient en liquide et sans assistance technique).
Contre : à la fin du service ou juste en période d’affluence, calculer devient une torture.
Contre : vous travaillez vraiment. A l’exception de certains créneaux, les festivaliers sont toujours au bar et réclament leur potion magique en beuglant. La pression est forte pour les bénévoles (pas vraiment au niveau des tireuses à bière qui connaissent parfois des gros coups de mou). Le bon déroulement du festival c’est du boulot pour tous les bénévoles : restauration, nettoyage, entrée… à tous les postes ses contraintes (et aussi ses avantages).

Pour : servir au bar = formation accélérée d’affirmation de soi et de gestion du conflit. Si vous êtes timide ou trop gentil, une heure à servir des festivaliers totalement faits (ou des bénévoles passés du côté obscur du festival) suffira à vous forger un cœur de pierre. Il vous faudra déjouer tous les pièges (le célèbre « je suis bénévole comme toi, faut être solidaire » ou « je peux te faire entrer en backstage »), identifier les stratagèmes les plus subtils (le mec/la fille qui te drague pour obtenir une bière ou une frite gratos), et tenir bon coûte que coûte (votre pérennité en tant que bénévole en dépend. Le tiroir caisse doit se remplir au même rythme que le remplissage des verres).

Pour : vous passez de bons moments et même les mauvais se transforment en anecdotes croustillantes à raconter à celles et ceux qui vous envient d’avoir vécu le plus grand festival de France en version off. En étant bénévole, vous êtes à la fois acteur et spectateur du festival, des concerts mais aussi des festivaliers. Les mecs éméchés qui décident d’utiliser les bennes à ordures pour s’abriter d’un orage à 2 heures du matin… et qui finalement trouvent amusant de dévaler la pente avec cette pauvre poubelle, ça vous fait votre semaine. Et puis pour une poignée de têtes à claques, vous rencontrez des dizaines de personnes sympas.
LE POUR ULTIME : vous avez accès à l’espace des bénévoles et… AUX TOILETTES DES BENEVOLES !

2014
Nous savons désormais ce qui nous attend au bar et nous y allons la fleur au fusil. La programmation est géniale et contrairement à l’année précédente, nous avons décidé de profiter au maximum des concerts. Et puis, ce sera notre dernier festival au bar 4.

Ultra-motivés, nous faisons l’ouverture et la fermeture tous les jours en tant que festivaliers puis bénévoles (ou vice-versa selon nos horaires de service). Et comme nous avons l’âge que nous avons, nous finissons rincer.

Ma petite sœur, photographe de son état, était de la partie. Je vous invite à découvrir son travail en cliquant ici, sur sa page Facebook ou sur Instagram. Et comme les photographies prises avec mon téléphone sont souvent atroces (et surtout ont disparu de mon ordinateur), vous avez pu constater que je lui ai volé quelques clichés pour illustrer mon article.

2017
Nouvelle proposition carhaisienne cette année : « Y a une place à la régie bar. Ça te dit ? ».
La question est posée à Chéri d’amour et évidemment jalouse, je ronchonne dans mon coin en lui disant que je n’ai pas de place, que la billetterie est fermée et qu’il peut bien y aller sans moi (le traitre). Comme il est gentil et qu’il ne s’offusque plus de mes bougonneries à 2 balles, Chéri chéri m’a révélé l’existence du site Ze Pass qui permet d’acheter et de revendre des places de manière ultra-sécurisée. Il achève de me convaincre en me disant droit dans les yeux « je préférerai que tu viennes avec moi ». Évidemment, ce genre de déclarations après 12 ans de vie commune, ça fait fondre mon petit cœur. Et puis la perspective de retrouver toute la bande des bretons était plutôt réjouissante avec ou sans accès au festival !

Une semaine avant le départ et après maintes tentatives, j’ai chopé un billet pour le samedi. J’ai regardé plus attentivement le programme, verdict : rien de franchement folichon. Mais bon, comme j’ai tout de même payé ma place 42 euros, je me dis qu’il faut rentabiliser mon achat.
Pour mon premier festival en solo (et oui chéri chéri travaille à l’approvisionnement des bars et tous les copains sont bénévoles également), je décide de le vivre en mode « jeune ». Arrivée sur le site, l’instinct de la festivalière du premier rang me pousse vers la scène. Je file tout droit direction « Kerouac » voir le concert de Camille. Mon odorat m’envoie un signal d’alarme. Je fais une croix sur le premier rang et je suis le conseil avisé de mon nez : s’arrêter au second rang. Pour ceux qui n’auraient pas compris le sous-entendu, je vous le dis cash : les festivaliers torchés (ou peut-être simplement incontinents) urinent sur les barrières à la nuit tombée et l’odeur persiste même le lendemain…

Le concert est très bien et l’ambiance est bon enfant. J’ai oublié de passer par l’espace prévention prendre des bouchons d’oreille pour protéger mes tympans de vieille mais la musique est à un volume raisonnable. Pour le concert de Naive New Beaters, je ne pourrai pas faire l’impasse sur une protection auditive alors je me rends à l’espace prévention après un détour par les sanitaires. Je constate que les cabines de chantier en plastique ont été remplacées par des WC raccordables et en plus ils sont propres !

Chéri chéri m’envoie un petit sms pour me dire qu’il est au bar Sköll. Tiens y a un bar Sköll maintenant ? Vérification sur le plan. Ah bah oui ! Après avoir descendu une petite bière et fait un bisous à chéri chéri, je file au concert qui a déjà commencé. Pour me rapprocher de la scène, je vais devoir m’armer de patience. Heureusement, j’ai devant moi puis à côté de moi des petits jeunes sympas qui se prennent pour des chearleaders. Je deviens la photographe officielle de leurs exploits. Je publie uniquement les photos « anonymes ». On sait jamais si dans vingt ans leurs gamins tombent dessus, ils risquent de perdre toute autorité (ça me fait penser que je devrais peut-être faire le tour de certaines archives, tiens).




J’avance petit à petit vers la scène, photos à l’appui. J’arrive finalement au second rang (mon préféré).

A la fin du concert, certains festivaliers de plus en plus éméchés s’insèrent dans la foule comme des rugbymans se jettent dans la mêlée. Je dois de plus en plus jouer les gros bras et c’est vraiment pénible. Alors certes, ils ne sont pas méchants mais ils sont bien cons. Je regarde autour de moi et je me prends une grande claque (au figuré, hein…quoique j’ai pris plusieurs coups de coude sur le crâne, bien réels) : je suis entourée de jeunes. Je dois être la plus âgée parmi la foule massée devant la scène et pourtant je n’ai pas encore 40 ans ! Les 35 et + doivent être tranquilles pénards sur le banc de touche. Le centre du terrain est occupé par la très petite vingtaine (peut-être même moins?), joyeuse, qui se déplace par grappes, qui roule des mécaniques et fait des trucs cons juste pour épater la galerie. Carpe diem, ô capitaine, mon capitaine !

Lors du rappel, je vois une pauvre cocotte qui se fait écrabouiller par des petits gringalets. Elle commence à pleurer et là mon cœur de maman se remplit de colère. Je l’agrippe, la place devant moi et je dégage les gugusses. La demoiselle cherche à se décaler (deux fois la bougresse) mais j’insiste pour qu’elle reste près de moi. Ce n’est qu’à la fin du concert que j’ai compris que l’un des mecs qui était en train de l’étouffer et que j’avais dégagé violemment était son homme et que la malheureuse essayait de m’échapper pour retrouver ses bras non protecteurs. Mouais…
Le mien d’homme (un vrai de vrai) fait une pause casse-croûte sur le site et je le rejoins. A partir de là, je fais un break pour discuter avec les copains entre deux missions de ravitaillement des bars. A 22 heures, je décide d’aller au concert de Mome et évidemment de m’approcher un peu. Mais l’ambiance est franchement bof. Trop d’excités qui te sautent dessus, de groupes en mode « file indienne » qui te bousculent pour se faufiler. Je vois trois nanas qui veulent s’extraire. Je leur fais de la place et je les suis. Une festivalière m’aide à son tour. Sur les côtés, je retrouve le calme des personnes venues écouter de la musique et voir des artistes sur scène. La scène est bien visible, les écrans jouent leur rôle de « microscopes » mais trop tard, j’ai eu ma dose. Mes potes ne sont plus de service, je les retrouve pour finir la journée tranquillou. J’aurai au moins essayé !
Nouveautés / évolution du festival / conseils ou simples remarques
Le park du château
Cette année, les Vieilles Charrues ont inauguré un nouvel espace : le park du Château. Un endroit sympa pour se poser, manger et souffler. Ils y vendent des glaces à l’italienne très bonnes. Je recommande.

Les pintes
Les pichets sont morts. Ce qui était bien pratique pour les festivaliers (mais qui était une plaie à remplir pour les bénévoles lorsque la tireuse était faiblarde) n’est plus autorisé. A la place, le festival a décidé de vendre des pintes. Problème : ils étaient déjà en rupture de stock dès le premier jour. Les copains du bar m’ont dit qu’ils ont cru à une blague lorsqu’ils ont vu des festivaliers se radiner avec des verres en plastique Gifi. Les responsables leur ont confirmé que la direction avait dû improviser pour faire face à la pénurie.
Les entrées
Le festival a créé de nouvelles entrées. Après de gros couacs le premier jour, l’organisation a été revue et dès le samedi, le trafic était fluide et les festivaliers entraient sans trop d’attente.

Moneiz : le système de paiement magique
Testé en 2014, le système de paiement dématérialisé a été mis en place l’année suivante. Et là, je dis « yes » tant pour les festivaliers que pour les bénévoles. Le système est simple : une carte à puces sur le bracelet, un point unique pour recharger et voilà. Vous pouvez vous créer un compte pour approvisionner votre carte avant et pendant le festival et aussi récupérer l’argent encore disponible à la fin. A chaque débit, les bénévoles vous montrent votre solde.
L’accessibilité
Je ne sais pas depuis quand cela a été mis en place mais cette année, j’ai constaté que comme ces copines, la scène Grall disposait désormais d’un gradin spécialement conçu pour accueillir les personnes en situation de handicap.
Pour profiter de ces gradins, il faut dès le mois de mai remplir un formulaire (à télécharger sur le site du festival) et le renvoyer à l’adresse mail indiquée. Attention, le nombre de places est limité et les demandes sont très nombreuses. Donc il faut anticiper la demande.
L’ambiance
Comme toujours, j’ai un peu forcé le trait sur les désagréments que j’ai rencontrés. Donc ne prenez pas peur.

J’ai profité de superbes concerts en haut de la pente ou sur les côtés de la scène. Même sans être le nez collé à la scène, j’ai réussi à me déhancher sur du Santana ou à sautiller au rythme de Liztomania… bref à me rendre un peu ridicule.
La propreté / la bouffe
Fini le temps des poubelles baladeuses qui dévalaient les pentes boueuses ! Elles sont désormais emprisonnées dans un joli écrin en bois. Par contre, elles me semblent en sous effectif.

De plus, le festival a diversifié l’offre de restauration et beaucoup de contenants ne sont pas consignés. Les festivaliers laissent donc leur emballage sur place : la motivation pécuniaire étant à zéro, les instincts de cochon sauvage sont au max. Cette année, un restaurant bio a ouvert et franchement les petits récipients de fruits frais que j’ai vu passés étaient bien tentants.
Petit coup de gueule
Les Vieilles Charrues, c’est une entreprise bien huilée et comme toute entreprise, l’objectif est de faire du bénéfice pour pouvoir poursuivre et développer son activité. En cela, je dois reconnaître que les changements observés cette année sont très appréciables (plus de décorations, création du Park, espace bénévole plus cosy, amélioration des sanitaires, système Moneiz,…) et que tout cela a un coût.
Oui mais voilà, quand je reçois un mail me demandant de répondre à un questionnaire et qu’à la fin, je m’aperçois que de très très très nombreuses questions portaient sur le merchandising, ça m’agace un peu. Pour une question sur le style de musique que j’apprécierai de voir programmer au festival, j’ai dû répondre à tout un tas de questions du style « avez-vous acheté un produit à l’espace Merchandizing? » « quoi? » « pour quelles raisons? » « combien êtes vous prêt à dépenser? » « les visuels présents sur les produits sont-ils satisfaisants? » « souhaiteriez-vous plus de visuels sur chaque produit? » etc etc. J’ai frôlé l’overdose. Il faudrait peut-être un peu rééquilibré les questions, non ?
Donc un conseil, lorsque vous vous rendez à un festival, fixez-vous un budget. Mettez la somme sur votre carte Moneiz ou autre et n’optez pas pour le rechargement automatique. Vous éviterez le découvert post-festival à défaut de vous épargnez la fatigue (gueule de bois) post-festival !